Les nouveaux acteurs de l'économie mondiale revendiquent un rôle accru dans les organisations internationales
A l'Organisation des Nations unies (ONU), la question de l'élargissement du Conseil de sécurité au-delà des cinq pays vainqueurs de la deuxième guerre mondiale est débattue... depuis 1992. Il s'agissait alors d'accorder une place aux pays les plus peuplés de la planète. Depuis, certains d'entre eux peuvent jouer sur un argument supplémentaire : leur poids croissant dans l'économie mondiale. C'est à ce titre que le Brésil et l'Inde se sont officiellement portés candidats, avec le Japon et l'Allemagne, à un siège permanent au Conseil de sécurité, et demandent que deux autres sièges soient accordés à des pays africains. Mais la difficulté à choisir les candidats ad hoc entre l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Egypte, a bloqué le processus, ce qui satisfait certains membres du Conseil, inquiets de voir leur droit de veto remis en cause, ou partagé.
Les pays occidentaux ont cependant admis que la roue tournait : Gordon Brown, le premier ministre britannique, a soutenu la démarche de l'Inde dans un récent voyage à New Delhi ; Nicolas Sarkozy, dans son intervention télévisée du 24 avril, a réitéré son intention de demander aux pays les plus riches de la planète, regroupés dans le G7, de s'élargir en " G 13 ou G14 ". Le Fonds monétaire international (FMI), jusqu'ici dominé par les Occidentaux en vertu de leur poids originel dans le financement de l'institution, a adopté en avril une réforme du mode du calcul des quotes-parts et droits de vote qui devrait octroyer aux pays émergents, en fonction de leur produit intérieur brut (PIB) mesuré en parités de pouvoir d'achat (PPA), un poids plus important dans le processus de décision.
Il était temps pour le FMI de réagir, car le flot de liquidités capté par les pays émergents grâce à leurs exportations de biens manufacturés ou de produits de base, leur a permis de se passer de ses services. Dès 2006, le Brésil, l'Argentine et l'Indonésie ont soldé leurs dettes vis-à-vis de l'institution. Celle-ci, dont les ressources sont constituées des remboursements des emprunts antérieurs, a du coup enregistré un déficit de 105 millions de dollars en 2006-2007. De plus, les conditions qu'elle a imposées dans les années 1990 pour venir au secours des pays asiatiques et latino-américains ont été considérées non seulement comme humiliantes, mais encore comme inefficaces par les Etats concernés. Dès 2000, les banques centrales asiatiques créaient " le mécanisme de Chiang Mai ", par lequel elles s'engageaient à se venir réciproquement en aide en cas de crise. En 2007, six pays d'Amérique latine ont créé la " Banque du Sud ", destinée à se substituer à la Banque mondiale et au FMI.
Selon nombre d'économistes, seules les liquidités accumulées par les pays émergents peuvent jouer aujourd'hui le même rôle de stabilisation financière que les milliards de dollars américains investis par le FMI et la Banque mondiale pendant la seconde moitié du XXe siècle. Quitte à ce qu'un nouveau Bretton Woods redistribue les cartes de la régulation financière internationale, pour éviter que ces nouveaux riches n'agissent au gré de leurs seuls intérêts nationaux.
A. R.