Critiquées pour leur manque de transparence, les cagnottes des Etats émergents renflouent les banques occidentales
La crise financière a mis sur le devant de la scène de discrets acteurs publics venus d'Asie et du Moyen-Orient, les fonds souverains. Ces structures, issues principalement de pays émergents mais aussi de pays développés pétroliers comme la Norvège, font fructifier une partie de leurs réserves de change, qui se sont fortement accrues avec les recettes d'exportations de biens manufacturés et de matières premières. Elles disposent d'un matelas financier estimé entre 2 000 et 3 000 milliards de dollars.
Ces fonds ont massivement participé à la recapitalisation des établissements financiers américains et européens. Ils ont investi au moins 50 milliards de dollars dans les banques occidentales. Les cagnottes publiques de l'Etat de Singapour ont été particulièrement actives : GIC a pris 9,5 % de la banque suisse UBS et 4,1 % de la banque américaine Citigroup tandis que Temasek a acquis 9,4 % de Merrill Lynch. Le fonds chinois CIC a acquis 9,9 % de Morgan Stanley et celui d'Abou Dhabi, 4,9 % dans Citigroup.
A peine conclus, ces accords ont été mis à rude épreuve, certaines banques annonçant d'autres augmentations de capital après avoir enregistré de nouvelles pertes au premier trimestre. Le fonds souverain GIC a néanmoins réaffirmé sa confiance dans les banques UBS et Citigroup. Echaudée, la banque publique chinoise Citic a, à l'inverse, dénoncé un accord passé avec la banque Bear Stearns avant sa quasi-faillite.
D'après Morgan Stanley, les actifs détenus par ces fonds souverains pourraient atteindre 12 000 milliards en 2015. Jusqu'à l'été, leur manque de transparence suscitait la peur que des Etats émergents s'approprient des industries ou des technologies clés des pays occidentaux. " Les fonds dits souverains dérogent aux règles du capitalisme chez eux pour les appliquer ailleurs ", notait au début juillet 2007 le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, en prévoyant " des difficultés très sérieuses " et en posant la question de leur régulation, lors des rencontres organisées par le Cercle des économistes en juin. Le Fonds monétaire international (FMI) doit publier d'ici à octobre " une série de pratiques exemplaires concernant les fonds d'investissement souverains ", a annoncé le G7 de Washington le 11 avril. En mars, le Trésor américain et les Etats d'Abou Dhabi et de Singapour ont déjà conclu un accord sur un ensemble de principes de gestion de ces fonds.
Adrien de Tricornot