La difficile régulation du marché du pétrole

La hausse des prix ne freine pas celle de la demande et les pays producteurs, méfiants, refusent d'augmenter l'offre

Le marché du pétrole est devenu fou, à tout le moins incontrôlable. C'est ce qui vient à l'esprit quand on observe l'irrésistible ascension des cours du baril, dont le prix a été pratiquement multiplié par cinq depuis 2002. Nul n'ose aujourd'hui se risquer à prédire l'évolution des cours dans les prochains mois. Réunis à Rome du 20 au 22 avril, pays producteurs et consommateurs ont regardé le baril filer vers les 120 dollars - tout juste capables, dans leur déclaration finale, de se dire " préoccupés " par une telle flambée.

Mondial, le marché pétrolier est, il est vrai, pratiquement impossible à réguler. Surtout quand les capacités excédentaires de production ne sont que de 2 millions de barils par jour et que l'approvisionnement reste sous la menace d'une défaillance d'un grand producteur comme l'Iran, le Nigeria ou le Venezuela.

Certes les mécanismes de marché commencent à jouer, mais à la marge. La flambée des prix a entraîné une stagnation, voire un léger recul de la demande de produits pétroliers dans les pays industrialisés... en particulier celle des automobilistes. Mais " si le prix moyen des carburants a augmenté de 33 % entre 2003 et 2007, la consommation, elle, n'a reculé que de 2 % à 3 % ", note François Carlier, directeur adjoint des études d'UFC-Que choisir. L'absence de véritable substitut au pétrole pour les automobiles, dont le nombre s'accroît rapidement dans les pays émergents, réduit fortement l'élasticité prix-demande. Au total, le léger fléchissement de la consommation dans les pays riches est de toute façon plus que compensé par la demande croissante des pays émergents. Seule une récession mondiale - peu probable - déclencherait un repli rapide de la demande et des prix.

Faute de baisse de la demande, est-il possible d'augmenter l'offre ? L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) n'est plus le cartel politique des années 1970, mais elle n'en détient pas moins 42 % de la production et 70 % des réserves mondiales. L'Arabie saoudite, son chef de file, est seule à pouvoir mettre rapidement une grande quantité de barils supplémentaires sur le marché. Mais elle s'y refuse, se rappelant des années noires (1980-1990) lorsque l'OPEP avait investi au moment où la demande fléchissait. Les surcapacités de production et de raffinage avaient occasionné par la suite un effondrement des prix. Début 2008, le président américain lui-même n'a pu convaincre son allié saoudien, le roi Abdallah, de pomper plus pour faire baisser les prix.

" Le risque d'interruption d'approvisionnement grandit ", prévient la Commission européenne dans un document publié mardi 22 avril. Bruxelles propose entre autres de maintenir l'obligation pour les Etats membres de l'Union de disposer d'un minimum de 90 jours de stocks de pétrole, précisant qu'un tiers de ces stocks doivent être entre les mains des Etats, et non entre celles des compagnies pétrolières.

Economiser l'énergie grâce à des moteurs moins voraces et des constructions mieux isolées, relancer le nucléaire, faire appel aux énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien, ne peut produire que des effets à long terme sur le prix du pétrole. Mais ces signaux envoyés par les pays industrialisés ont pour effet immédiat de rendre les pays producteurs inquiets pour leurs débouchés futurs, méfiants envers leurs clients, et prudents dans les investissements destinés à accroître leur production. Autant de comportements qui nourrissent la spirale ascendante des prix.

Jean-Michel Bezat

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