3. La plus forte hausse des prix alimentaires depuis 1978

L'inflation entame le pouvoir d'achat des consommateurs des pays riches et suscite des émeutes dans les pays pauvres

Après " les émeutes de la faim " survenues en Afrique et à Haïti fin mars et début avril, les risques de pénurie alimentaire ont fait leur réapparition dans l'agenda des sommets internationaux et les discours des dirigeants de la planète. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 36 pays, dont 21 en Afrique, auront besoin d'une aide alimentaire extérieure en 2008.

Ce n'est pas tant le volume de la production qui est en cause - quoique les stocks soient au plus bas - que la hausse des prix : celui du blé a presque doublé entre mars 2007 et mars 2008, le maïs a suivi la même ascension mais sur deux ans, le riz a augmenté d'un quart depuis la fin 2006. L'index des prix alimentaires, établi par la FAO, a connu sa plus forte hausse depuis la fin des années 1970. En 2000, lorsque l'Organisation des Nations unies (ONU) fixait parmi les Objectifs du millénaire la diminution de moitié des personnes souffrant de la faim dans le monde en 2010, il suffisait d'accélérer la tendance : la part des " mal nourris " dans les pays en développement était passée de 35 % à la fin des années 1960 à 16 % à la fin des années 1990. Mais, depuis, cette proportion est restée stable, et le nombre de personnes souffrant de malnutrition est reparti à la hausse, souvent du fait des conflits armés, notamment en Afrique.

Des causes structurelles s'y sont ajoutées, qui expliquent aussi l'inflation des prix dans les pays développés, entamant le pouvoir d'achat des consommateurs : l'alimentation des populations des pays émergents en pleine croissance économique se diversifie, et tire la demande mondiale ; le réchauffement climatique augmente la fréquence et l'intensité des inondations et des sécheresses, comme celles qui ont frappé l'Australie et l'Ukraine, gros producteurs de céréales ; l'explosion du commerce mondial et la hausse du prix du pétrole ont fait grimper le prix du transport des denrées (150 % en 2007 sur le fret maritime). Enfin, la perspective d'une hausse durable des prix alimentaires attire les fonds spéculatifs fuyant les placements immobiliers et financiers devenus incertains, ce qui renforce la volatilité des cours.

Antoine Reverchon

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