Malgré les mises en garde du G7, l'euro a franchi la barre de 1,60 dollar et la question de la valeur du yuan reste posée
Le monde de la finance est secoué par une nouvelle crise du dollar. L'euro a franchi, mardi 22 avril, la barre symbolique de 1,60 dollar, un record depuis sa création, renforçant sa surévaluation alors que son taux de change d'" équilibre " est situé autour de 1,20 dollar, selon les calculs des économistes. Une telle baisse du billet vert n'avait pas été enregistrée depuis les années 1970. En mai 1975, le dollar était ainsi tombé à 3,97 francs, soit l'équivalent d'1 euro à 1,65 dollar.
Les ministres des finances et les banquiers centraux du G7 réunis à Washington, vendredi 11 avril, ont pourtant quelque peu haussé le ton en évoquant les " fluctuations brusques " entre les grandes monnaies : " Nous sommes préoccupés de leur impact possible sur la stabilité économique et financière. " Dans une étude publiée mardi 15 avril, les économistes de la banque japonaise Nomura soulignent que le mot " préoccupation " avait été employé pour la dernière fois en septembre 2000 lors du sommet du G7 à Prague : l'euro était proche de son plancher historique, mais les grandes puissances avaient annoncé simultanément une intervention coordonnée sur le marché des changes, ce qui n'a pas été le cas cette fois-ci.
Le billet vert connaît aussi un accès de faiblesse face au yen et à d'autres monnaies flottantes, comme le dollar canadien ou d'autres devises des pays émergents, le tout dans un climat de nervosité et une volatilité record des marchés depuis la fin des années 1990. Les raisons sont multiples : crise du secteur bancaire ; larges déficits budgétaires, commercial et de la balance des paiements américains; signes de récession et baisse du loyer de l'argent aux Etats-Unis.
Les seules monnaies qui échappent à une réévaluation brutale sont le yuan, dont l'appréciation est contrôlée étroitement par les autorités chinoises, et les devises du Golfe, pour la plupart indexées sur le dollar. Ces dernières années, le yuan faible a permis à la Chine de développer spectaculairement ses exportations et ses réserves en devises. L'empire du Milieu rechigne à accélérer la réévaluation de sa monnaie comme le demandent les pays occidentaux. A l'inverse, certains pays du Golfe s'inquiètent de leur lien fixe avec le dollar, qui diminue la valeur de leurs recettes commerciales et de leurs réserves financières, et accroît l'inflation domestique. Le Koweït a ainsi décidé en mai 2007 de supprimer le lien fixe entre le dinar et le dollar, en basant désormais la valeur de sa monnaie sur un panier de devises incluant, parmi d'autres, le billet vert.
Longtemps, les pays émergents d'Asie et du Moyen-Orient ont financé, grâce à leurs réserves, les déficits des Etats-Unis, les rendant indolores. Mais l'accès de faiblesse du dollar et de l'économie américaine montre les limites de cette relation économique et financière. Selon les statistiques du Fonds monétaire international (FMI), la part du billet vert dans les réserves mondiales de change était encore de 63,9 % à la fin 2007, mais celle de l'euro est passée de 18 %, lors de sa création, à 26,5 %.
A. de T.