1. La planète finance en danger

Selon le FMI, les pertes des banques et des investisseurs institutionnels pourraient atteindre 945 milliards de dollars

En touchant le coeur du système financier - les banques américaines et européennes - la crise financière se présente comme l'une des plus graves jamais connues. Son déclencheur a été, à l'été 2007, la déconfiture des subprimes, prêts immobiliers à risques américains, mais le coût final de ses enchaînements n'est pas encore connu, la défiance s'étant étendue à d'autres compartiments du marché de la dette, comme les emprunts destinés à financer le rachat d'entreprises par des fonds d'investissement (leveraged buy-out, LBO), provoquant la nervosité et le repli des marchés boursiers.

La crise paralyse le marché de la " titrisation " des crédits, le processus par lequel des prêts accordés par des banques sont vendus, regroupés et transformés en titres cédés à des investisseurs. Les banques ont sorti en partie ces risques de leurs bilans en les plaçant dans des structures ad hoc, qui ont elles-mêmes émis des titres placés auprès des investisseurs. Comme l'ampleur des pertes sur ces produits n'est pas entièrement connue ni l'identité de leurs détenteurs, le marché interbancaire, par lequel les banques se prêtent des liquidités, ne fonctionne plus normalement : les taux d'intérêt se sont fortement tendus obligeant les banques centrales à intervenir régulièrement pour prêter aux établissements. La crise débouche donc sur un durcissement des conditions de crédit.

Les estimations sur l'ampleur des pertes directement liées à la crise financière ont été constamment revues à la hausse. La plus alarmiste est celle publiée mardi 8 avril par le Fonds monétaire international (FMI) dans son " Rapport sur la stabilité financière dans le monde ". Le document chiffre le montant des pertes potentielles à 945 milliards de dollars (590 milliards d'euros), dont 225 milliards sur les prêts et 720 milliards sur les produits titrisés. L'organisme constate que la crise s'étend à d'autres crédits immobiliers, aux prêts à la consommation, aux LBO et aux entreprises. Les grandes banques subiraient de 440 à 510 milliards de pertes, le reste étant réparti entre les compagnies d'assurances, les fonds de pension, les fonds monétaires, les fonds spéculatifs (hedge funds) et d'autres investisseurs institutionnels.

De son côté, le comité des marchés financiers de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a estimé, mardi 15 avril, que " la première vague de pertes (hors dépréciations d'actifs) pourrait atteindre quelque 422 milliards de dollars, dont 90 milliards de dollars seraient supportés par les banques américaines ". " Si les pertes atteignent ce niveau, il sera essentiel de procéder à une recapitalisation des banques pour éviter les répercussions économiques plus rudes du désendettement, notamment d'un repli sensible de la distribution de crédits ", poursuit l'OCDE. Dans une étude publiée vendredi 18 avril, les économistes du Crédit agricole jugent que " le chiffre de 422 milliards de dollars paraît plus en ligne avec les dépréciations annoncées à ce jour (près de 300 milliards en cumulé) et surtout, il vient relativiser l'estimation du FMI (....) ". " Si les derniers résultats publiés par les banques au premier trimestre restent affectés par ces dépréciations, ils ne sont pas plus mauvais que prévu. Par ailleurs, les dernières augmentations de capital ont été bien accueillies ", poursuivent-ils. Une façon de se rassurer.

Adrien de Tricornot

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